CEDH – Affaire CY/Belgique

AFFAIRE C.Y. c. BELGIQUE, 11 novembre 2023 où la cour confirme  les trois critères en vue d’analyser le caractère pénal d’une amende administrative, à savoir

– la qualification juridique de l’infraction en droit interne

– la nature même de l’infraction

– le degré de sévérité de la sanction que risque de subir l’intéressé

La cour précise ) nouveau que les deux derniers critères sont alternatifs, ce qui n’empêcha pas l’adoption d’une approche cumulative si l’analyse séparée de chaque critère ne permet pas d’aboutir à une conclusion claire quant l’existence d’une accusation en matière pénale.

« 37. Selon la jurisprudence constante de la Cour, l’existence d’une
« accusation en matière pénale » doit s’apprécier sur la base de trois critères
(Engel et autres c. Pays-Bas, 8 juin 1976, § 82, série A no 22). Le premier est
la qualification juridique de l’infraction en droit interne, le second la nature
même de l’infraction et le troisième le degré de sévérité de la sanction que
risque de subir l’intéressé. Les deuxième et troisième critères sont alternatifs,
et pas nécessairement cumulatifs. Cela n’empêche pas l’adoption d’une
approche cumulative si l’analyse séparée de chaque critère ne permet pas
d’aboutir à une conclusion claire quant à l’existence d’une accusation en
matière pénale (Vegotex International S.A. c. Belgique [GC], no 49812/09,
§ 67, 3 novembre 2022). »

 

CEDH – Affaire Engel/Pays-Bas – Accusation en matière pénale

La cour précise la notion d’accusation en matière pénale, dans une affaire qui n’est néanmoins pas ici d’ordre fiscal, au point 82 et 83 de l’arrêt:

AFFAIRE-ENGEL-ET-AUTRES-c.-PAYS-BAS

« 82. Dès lors, la Cour doit préciser, en se limitant au domaine du service
militaire, comment elle vérifiera si une « accusation » donnée, à laquelle l’État
en cause attribue – comme en l’espèce – un caractère disciplinaire, relève
néanmoins de la « matière pénale » telle que l’entend l’article 6 (art. 6).
A ce sujet, il importe d’abord de savoir si le ou les textes définissant
l’infraction incriminée appartiennent, d’après la technique juridique de l’Etat
défendeur, au droit pénal, au droit disciplinaire ou aux deux à la fois. Il
s’agit cependant là d’un simple point de départ. L’indication qu’il fournit n’a
qu’une valeur formelle et relative; il faut l’examiner à la lumière du
dénominateur commun aux législations respectives des divers États
contractants.
La nature même de l’infraction représente un élément d’appréciation d’un
plus grand poids. Si un militaire se voit reprocher une action ou omission
qui aurait transgressé une norme juridique régissant le fonctionnement des
forces armées, l’État peut en principe utiliser contre lui le droit disciplinaire
plutôt que le droit pénal. A cet égard, la Cour marque son accord avec le
Gouvernement.
Là ne s’arrête pourtant pas le contrôle de la Cour. Il se révélerait en
général illusoire s’il ne prenait pas également en considération le degré de
sévérité de la sanction que risque de subir l’intéressé. Dans une société
attachée à la prééminence du droit, ressortissent à la « matière pénale » les
privations de liberté susceptibles d’être infligées à titre répressif, hormis
celles qui par leur nature, leur durée ou leurs modalités d’exécution ne
sauraient causer un préjudice important. Ainsi le veulent la gravité de
l’enjeu, les traditions des États contractants et la valeur que la Convention
attribue au respect de la liberté physique de la personne (cf., mutatis
mutandis, l’arrêt De Wilde, Ooms et Versyp du 18 juin 1971, série A no 12,
p. 36, dernier alinéa, et p. 42 in fine).
83. C’est en se fondant sur ces critères que la Cour recherchera si les
requérants, ou certains d’entre eux, ont fait l’objet d’une « accusation en
matière pénale » au sens de l’article 6 par. 1 (art. 6-1).
En l’occurrence, l’accusation pouvant entrer en ligne de compte résidait
dans la décision du chef de corps telle que l’officier de recours l’avait
confirmée ou atténuée. Comme le tribunal appelé à statuer, à savoir la Haute
Cour militaire, n’avait pas compétence pour ordonner une sanction plus
rigoureuse (paragraphe 31 ci-dessus), c’est bien cette décision qui fixait
définitivement l’enjeu. »